Pour l’interview qui va suivre, je vous propose de faire un bond de près de deux ans en arrière … Souvenez-vous, la pandémie de Coronavirus est au cœur de l’actualité, les confinements et couvre-feu se mettent en place régulièrement, et le monde de la culture est en grande difficulté. Retour au printemps 2021 et direction un pavillon de la région parisienne qui cache un joli petit studio dans son sous-sol. J’y retrouve d’irréductibles gaulois … non pardon, j’y retrouve trois des membres d’Asylum Pyre : Thomas Calegari, batteur, Johann Cadot, auteur, compositeur, guitariste et chanteur, et Fabien Mira, bassiste et ingé son chargé des prises batterie. Le trio de résistants est planqué ici depuis maintenant une semaine et les enregistrements des parties de batterie du cinquième album du groupe sont sur le point de se terminer. C’est un grand honneur pour moi de pouvoir assister à ce moment si important dans la création d’un album, être là au tout début du procédé, qui plus est quand cela concerne un de mes groupes favoris avec un batteur que j’admire tout particulièrement.

Tout au long de la journée que j’ai passé avec Asylum Pyre, j’ai été agréablement surprise de l’ambiance très détendue et bon enfant qui règne dans le studio. Après une semaine intense on pourrait s’attendre à voir voler des baguettes dans tous les sens et surprendre une flagellation au jack, mais il n’en est rien. Au contraire, les vannes fusent, les encouragements pleuvent et la bienveillance veille au grain.

Ce nouvel opus comporte onze titres. Les enregistrements ont commencé le dimanche après une installation sur toute la journée du samedi. Nous sommes vendredi matin et les onze titres sont dans la boîte. Autant dire que ces messieurs n’ont pas chômé. Le vendredi après-midi est consacré à l’écoute de l’intégralité des titres avec les batteries enregistrées ces derniers jours ajoutées sur les préprods des autres instruments. Et je peux vous dire que ça envoie déjà du lourd ! Asylum Pyre a encore frappé fort. Le quatrième album était déjà un petit bijou, ce cinquième promet de compléter à merveille ta collection Pandora.

Asylum Pyre

Pour la petite partie « technique », on notera tout de même que pour enregistrer le kit utilisé par Thomas Calegari, il aura fallu au total 15 micros :

  • 3 pour la grosse caisse
  • 2 par caisse claire (soit 4 micros au total puisqu’il y a 2 caisses claires)
  • 2 overhead
  • 2 micros Room pour capter l’ambiance de la pièce
  • 2 micros toms (un par tom)
  • 1 micro Hi Hat
  • Et un micro placé juste à côté du batteur qui ne devait servir qu’à communiquer avec la cabine mais sera finalement gardé puisque le son convenait bien (écoutez bien sur l’album, vous aurez peut-être l’occasion d’entendre les petits bruits que Thomas fait en jouant grâce à ce micro)
Asylum Pyre

Dans cette l’interview, nous parlerons d’Angelo qui est l’ingé son chargé du mixage de l’album : Angelo Emanuele Buccolieri. Il avait déjà réalisé un superbe travail sur l’album « N°4 » sorti en 2019.

La journée touche à sa fin, nous avons écouté l’intégralité de l’album (une exclusivité qui, je l’avoue, me rend plus qu’heureuse). Johann, Thomas et Fabien m’accorde un peu de temps autour d’un breuvage fort sympathique pour répondre à quelques questions. N’oubliez pas, nous sommes au printemps 2021.

Quel bilan tirez-vous de cette semaine de studio ? Avez-vous des regrets ?

Johann Cadot : C’est déjà fini ! On aurait bien fait deux albums, c’est passé trop vite.
Je n’ai qu’un seul regret c’est que nous n’ayons pas pu jouer plus de fois les morceaux ensemble en répète avant d’enregistrer. A cause de la pandémie, nous n’avons pu nous voir que sur une ou deux sessions et ce n’était pas suffisant selon moi. Mais si on attend d’en sortir, on n’avance pas.
Cet album est le premier d’une série de deux en principe, donc à un moment on a quand même hésité. Nous aurions pu travailler plus longtemps et faire les deux albums d’un coup, mais finalement ce n’était pas la bonne option. Et puis ça aurait peut-être été long et fatiguant à la batterie d’enregistrer deux albums de suite.
Thomas Calegari : Pour le prochain on fera peut-être un album d’improvisation totale : on met tous les micros et on enregistre. On n’a jamais l’occasion de vraiment jouer tous ensemble et les rares fois où l’on peut bosser des plans, on kiffe, on fait tourner des trucs en boucle. Ça serait rigolo d’avoir l’opportunité de revenir au studio, de jouer et voir ce qu’il se passe. Je serais curieux de faire ça, il y a une spontanéité qui peut être intéressante.
Johann : Pour rebondir là-dessus, en fait les gens disent qu’Asylum Pyre c’est “mon” groupe, mais non, ce n’est pas “mon” groupe, tout cela c’est relatif. J’aimerais que d’autres personnes viennent mettre leur griffe dans l’écriture des morceaux. C’est un vrai souhait, c’est ce qui s’est fait au début du groupe. Là ça ne fait pas très longtemps que nous travaillons ensemble, l’écriture était terminée quand Thomas est arrivé, mais nous avons quand même revu certaines structures ensemble.
Thomas : Ce qu’on arrive à faire malgré tout, c’est que chacun vient avec sa personnalité au service d’une vision globale. C’est collégial, on réfléchit à tout ça pour un résultat global qui va dans le même sens.
Johann : C’est clair qu’il n’y aurait pas autant de parties de toms un peu tribales si c’était un autre batteur. Au niveau de l’état d’esprit de certains passages, je n’aurais jamais eu les idées si je ne savais pas comment tu joues.

Donc vous semblez plutôt contents …

Johann : Il faudra voir le résultat final, mais je ne suis pas inquiet. C’est difficile de dire aujourd’hui ce que ça va donner, mais franchement la semaine s’est très bien passée.
Thomas : La batterie c’est un gros problème, c’est vraiment le truc à ne pas rater. Connaissant les compétences des autres membres du groupe, je n’ai pas d’inquiétude sur les grattes, les voix, la basse, etc. Il faut au moins faire comme on a fait sur le précédent album, c’est-à-dire ne pas rater l’étape enregistrement batterie.
Du coup j’étais un peu flippé en arrivant, et puis une fois qu’on était lancé, c’était super cool.

Si j’ai bien compris, vous n’avez pas l’habitude de répéter de façon régulière comme peuvent le faire certains groupes …

Johann : Non, ça fait longtemps qu’on ne fait plus ça. Ça a certainement des avantages mais niveau emploi du temps ce n’est pas faisable.
Thomas : On arrive quand même à planifier des sessions de travail tous ensemble avec plus ou moins tout le monde.
Johann : Le niveau des membres du groupe est tellement bon aujourd’hui que ça permet de se voir moins souvent mais sur de longues sessions. Bien sûr ça serait encore mieux si on pouvait se voir plus régulièrement. Je le dis souvent, et ce n’est pas de la fausse modestie, mais je ne suis pas un bon interprète. J’écris des chansons mais je ne suis pas un bon interprète. Par contre, les gens autour de moi ont vraiment un bon niveau.
Thomas : Pour ma part, je me trouve à ma place dans Asylum Pyre. Il y a des projets où je n’ai pas ma place du tout, j’ai beau faire des efforts, ça ne correspond pas

Thomas, Asylum Pyre t’as amené sur un terrain un peu plus large que les styles que tu pratiquais avant d’intégrer le groupe il me semble …

Thomas : Oui c’est sûr. Entre ce qu’il fallait jouer quand je suis arrivé alors que je ne maîtrisais pas et puis l’évolution de l’écriture de Johann, à un moment on se retrouve à peu près en phase. Le confinement m’a donné l’occasion de travailler beaucoup l’instrument. Cette période de merde m’a au moins permis d’avancer. On n’est pas comme les gosses, maintenant à l’âge qu’on a, les progrès sont tout petits. Là je suis content du résultat des prises studio. J’ai 2-3 choses à recaler mais ce n’est rien du tout. Ce qu’il va se passer ensuite, j’espère que ça sera comme pour le précédent, « N°4 », c’est d’être surpris quand l’album reviendra du traitement par notre ingé son Angelo. Il ne réécrit pas complètement mais il change des petits trucs et c’est hyper bienvenu. 

Pour en revenir à ce nouvel album, à quel moment vous vous êtes dit “On y va, on prend rdv pour le studio” ?

Johann : Il y a trois mois, peut-être deux … On aurait voulu s’y mettre avant et puis finalement ça a tardé plus que prévu. 
Thomas : Personnellement je n’aurais peut-être pas été aussi bien.
Johann : Là dans la logique des choses ça fait qu’on ne s’est pas trop pressés.
Thomas : Et on a réussi à s’y tenir !

Asylum Pyre

Dans le processus de compo, tout était terminé ?

Johann : Oui à un moment donné il faut savoir s’arrêter. Ce qui m’a décidé c’est quand, il y a quelques mois, tous les instruments commençaient à bien ressortir, à prendre leur place, même avec les démos qu’on a fait à la batterie électronique, les vraies basses, quelques prises de guitare, de nouveaux plugins aussi … Ça commençait à ressembler à quelque chose. Et puis on a aussi finalisé une première version de l’ensemble des parties de chant. Avec le confinement et Ombeline qui est restée 4 mois en Bosnie, forcément ce n’était pas évident pour avancer. Donc quand on a eu une première version du chant, ça a été le déclic … Là il y a deux-trois trucs qu’on sait qu’on va tourner différemment mais c’est aussi ça qui a beaucoup compté. Quand on a finalisé la dernière chanson, qu’on a changé le refrain qui était peut-être un peu trop linéaire suite à certains retours, à ce moment-là on a dit “C’est cool, on a une première version exploitable, on peut entrer en studio”.
Comme notre précédent album “N°4” a globalement été bien accueilli par la critique, même si on est tout petit, on se met quand même une pression sur la suite.  Il y a plein de gens qui l’ont aimé donc on a envie de faire aussi bien.
Thomas : Je crois que cet album a marqué un changement de cap avec ce qu’il y avait avant. Le fait d’arriver avec autre chose, comment cela va être perçu ? Est-ce que le fait d’être trop varié va être une critique récurrente ? Ce qu’on a déjà eu sur l’album précédent. Au moins on fait un truc qui nous ressemble …
Johann : Avant nous étions plus marqués par certains retours. Peut-être plus sur l’aspect réalisation … Mais à partir du moment où ce ne sont que des histoires de goût et pas de réalisation ou d’interprétation, on voit les choses différemment. Au moment où on a finalisé le dernier refrain je me suis dit « Ça y est, je sais que cet album sera aussi bon voire meilleur” … En tout cas, il me plaira autant. C’est difficile de dire “bon” ou “meilleur”, “moins bien” … Ça dépend des jours, ça dépend de ce que tu as mangé la veille … Mais je dis “C’est cool, là on peut y aller, on a tout ce qu’il faut pour entrer en studio.”
Thomas : Moi j’espère qu’il me fera le même effet que celui d’avant, j’avais l’impression que c’était l’album d’un groupe dans lequel je n’étais pas et que je kiffais

Finalement est-ce que la période Covid vous a permis d’aller en studio plus tôt ? Peut-être auriez-vous passé plus de temps sur la promo du précédent album ?

Johann : N°4 n’a pas vraiment vécu … Ça a permis d’avoir plus de recul en fait, parce que du temps s’est passé. Il y a eu une période de deux trois mois où je ne travaillais même plus sur les titres, je les avais laissés de côté. J’ai travaillé sur plein d’autres choses, et puis en y revenant plus tard ça m’a permis de les laisser mûrir. A chaque fois on dit qu’on aimerait bien faire un album tous les deux ans au lieu de trois ou quatre ans, mais en fait je me demande si c’est possible dans le sens où il n’y aurait pas ce côté maturation des compos. Finalement est-ce que c’est pas nécessaire pour ce qu’on fait d’avoir ce recul ? Par rapport à certaines erreurs du passé, on a aussi appris à ne pas confondre vitesse et précipitation.

Alors justement est-ce qu’il y a des erreurs que vous aviez commises pour l’album N°4 et que vous ne vouliez surtout pas reproduire cette fois-ci ?

Thomas : Je crois que « N°4 » c’est justement le point de départ d’un truc où il n’y a plus les erreurs d’avant. C’est le point d’ancrage pour cette histoire là.
Johann : « N°4 » je peux le réécouter sans me dire “tiens il y a un truc qui ne me plaît pas” …
Thomas : Cet album là c’est l’album de “il n’y a plus d’erreurs, plus d’embrouilles”. Il peut y avoir des tensions ou des désaccords mais globalement, artistiquement et humainement, ce « N°4 » c’était un nouveau départ … On verra le temps que ça dure, mais en tout cas si on arrive à en faire au moins deux comme ça, que tout se pérennise, c’est plutôt cool.
Johann : Après, je ne sais pas si on peut appeler ça des erreurs, mais au niveau des choses qu’on a essayé d’améliorer, il y a un peu plus de riffs de gratte, un peu plus de guitare … Il y a un peu plus de tout en fait. Le côté riffs de gratte c’est peut-être ce qu’il manquait encore à certains moments, je pense qu’on va encore retravailler là-dessus en faisant des prises avec PE [Pierre Emmanuel Pélisson, guitariste soliste du groupe].

Call Me Inhuman
Artwork réalisé par Mythrid Art

Et la basse alors Fabien ?

Fabien Mira : J’ai déjà une bonne moitié des titres qui sont bien avancés. Je vais attendre les retours des batteries éditées et là je vais m’y mettre à balle ! 

Donc vous restez dans l’ordre “batterie, basse, guitare …” pour les enregistrements, à l’ancienne !

Johann : Oui, parfois tu peux dire certaines guitares sont enregistrées avant la basse mais batterie en premier ça semble évident.
Fabien : Batterie en premier effectivement, mais vous pourriez commencer les grattes même si je n’ai pas fait les basses.
Thomas : Là la priorité c’est vraiment la drum qui va revenir avec le groove de ce que je fais, corrigé si besoin.
Johann : Ouai y a des petites notes à rajouter, des trucs comme ça …
Les deux constantes c’est batterie au début et puis chant lead en avant dernier avant toutes les fioritures d’harmo, de solo …
Fabien : … et de Cornemuse.

En ce qui concerne les parties samples, c’est toi qui t’en occupes Johann ?

Johann : Oui, pour « N°4 » c’était déjà moi …
Là pour l’instant effectivement on va essayer d’avoir une vraie cornemuse. Pour le piano, il y a un piano jazzy, finalement il passe bien. Donc pour l’instant je m’en charge tout seul.

Tout à l’heure en écoutant les titres vous aviez déjà des idées qui fusaient pour le live. C’était sur le ton de la rigolade mais finalement peut-être que ces idées seront exploitées. Est-ce que vous avez déjà décidé de ce qui sortirait en single ?

Johann : Non, c’est une grosse question, parce qu’on a presque envie de toutes les faire !
Entre le titre un peu swing qui pourrait bien le faire, celui avec le côté tribal guerrier qui a un refrain qui peut diviser mais que certains adorent vraiment … Il est très efficace et peut donner lieu à un visuel super beau. Le morceau qu’on finissait ce matin, c’est un morceau qui a deux lectures. Il a ce côté “mal fait à la nature” avec le concept global du groupe, mais c’est aussi la violence faite aux femmes. Il y aurait moyen de faire un projet qui puisse aller dans ce sens là. Le morceau est assez court, ça pourrait marcher. Il y a aussi le titre que j’adore avec le truc années 80 et Spice Girls au milieu.
En tout cas, ce ne sera pas “Joy” parce que c’est un morceau un peu original … je pense que même pour monter les images le mec ne va pas savoir à quel timecode le mettre. Celui avec le violon, un peu plus traditionnel, je ne pense pas non plus, parce qu’il est  peut-être justement un peu plus trad, nous on aime ça mais ce n’est peut-être pas représentatif. Après on fera peut-être pas non plus celui qui part en techno parce que ça peut brutaliser des gens. Mais par contre celui-là par exemple j’ai hâte de le jouer en live.

Asylum Pyre

Je ne sais pas si c’est la période Covid mais je trouve que ces derniers temps généralement les groupes ont sorti plus de clips sur leur album en cours. Epica par exemple en a sorti 4 ou 5, Dear Mother également …

Johann : Globalement malheureusement aujourd’hui il n’y a plus de disques. Depuis quelques années, j’entends dire que les CDs ne se vendent plus. Moi je suis consommateur de CDs, j’aime bien l’objet, le livret en fait. L’univers et les paroles ça me fait kiffer, mais il y a des trucs que tu ne trouves même plus en vente. Donc les artistes ne vendent plus, les plateformes de streaming où les gens achètent, ils achètent un truc sur dix si ils sont bien, et puis après de toute façon tu as un centime ou un millième d’euro par écoute. Donc les artistes font du clip pour faire de la promo, pour vivre, pour exister déjà. Je pense que c’est ça : pour être vu … Quitte à faire des clips de merde sur fond vert …

Le clip de « One Day » était bien travaillé, avec une vraie histoire. Je pense qu’il a été remarqué et qu’il était plus judicieux d’en faire un bon comme ça plutôt que deux moyens dont on ne se rappellerait pas …

Johann : En fait, je ne suis pas sûr … Tu vois ce que les gens regardent sur Tik Tok ou sur YouTube ? Les clips en fait ils s’en fichent. Ils veulent voir des gens qui jouent et potentiellement sur un fond vert et puis c’est tout. Je suis d’accord avec toi en fait et j’aimerais de tout coeur que tu aies raison. Mais je pense que globalement l’attente est plus sur la quantité et le fait de voir la tête des gens, plutôt que de jolis clips avec une histoire. Je pense qu’aujourd’hui la quantité prime sur la qualité. Alors si tu as les deux, tant mieux bien sûr, mais les contenus qui font des vues ce sont des trucs super courts. Et sur Tik Tok c’est “oh elle montre son cul” !
On peut s’attendre à voir les fesses de Thomas du coup ?
Thomas : C’est possible … s’ il faut vendre des skeuds, moi ça me va …

Ci-dessus le premier clip, « Virtual Guns », sorti le 2 décembre 2022 pour annoncer l’album.

Est-ce que le fait de n’avoir pu tester en live aucune des chansons avant d’enregistrer est une source de stress pour vous ?

Johann : Quand on a joué certains trucs en répète j’ai ressenti une sorte d’énergie qui ressortait. Je me suis dit “oh c’est cool, allez hop, c’est bon …”.  J’ai rarement ressenti ça la première fois qu’on a fait une compo. La première ou deuxième fois qu’on a fait tourner “The Nowhere Dance”, direct on s’arrêtait tous au bon moment, on repartait tous au bon moment, il y avait une énergie énorme qui ressortait de ça, j’ai compris que ce genre de chose en live ça marcherait.
Thomas : J’y ai pensé hier. En regardant quelques images live des titres de « N°4 » je me disais “quand on va ajouter les nouveaux ça va faire un bon set”.
Il va falloir faire des choix mais maintenant, avec deux albums, même s’il y a un passif avec d’autres titres qui sont peut-être cool, on a de quoi tenir longtemps et si il faut jouer court on a le choix dans deux disques qui ont été enregistrés avec le line-up actuel. Jouer des trucs enregistrés par d’autres gars, OK why not, mais là on aura de la matière pour pouvoir proposer un set de 30 minutes, 45 minutes, 1 heure de choses créées avec les gens qui sont sur scène, et pas des titres joués par d’autres gars il y a X années.

Petite question peut-être déprimante mais j’ai tout de même envie d’avoir votre ressenti. La situation actuelle ne vous fait pas peur pour sortir un deuxième album qui potentiellement ne serait pas promu tout de suite ?

Johann : La réponse va peut-être être plus déprimante que la question. Si je caricature, il n’y a plus d’avenir dans la musique. Sauf quelques élus qui vont s’en sortir, ou alors faire des baluches, des trucs comme ça. Mais pour la musique où tu vas créer des choses, si tu n’es pas dans le haut du panier, de toute façon tu resteras en bas. Donc une fois que tu as pris part de ça, tu te dis qu’un jour peut-être tu auras le petit coup du sort qui va te faire passer au-dessus. Du coup, Covid ou pas Covid, on continue, on n’a pas le choix et ça ne sert à rien de s’en faire. C’est frustrant, c’est chiant, mais je me mets à la place des gens qui vivent vraiment de ça. Ça doit être super dur et stressant. Là je parle vis à vis du groupe uniquement, mais peut-être que Thomas a une autre réponse vis à vis du métier de musicien.
Thomas : Quand j’ai vu ce qui arrivait, je me suis dit que c’était mort jusqu’en 2022. On me disait : “Nan t’es ouf”. Je pense que j’avais raison, comme plein de gens qui pensaient ça. On a mis le doigt dans les problèmes sanitaires, la peur, la peur de la mort. Personnellement j’en ai profité pour me recentrer sur moi-même, je l’ai bien vécu. Au premier confinement j’étais à la campagne avec ma nana, on a focus sur nous même et on a avancé. Dans tout ce qu’on vit là, il y a des trucs complètement débiles. Pour la culture, on parle de ”choses essentielles, non essentielles”, ça n’a tellement pas de sens. Mais on n’a pas la main là-dessus. Dans le métier, c’est vrai que c’est dur. A côté d’Asylum Pyre, je joue dans un groupe de baluches. On fait des mariages, de l’événementiel, de l’institutionnel … actuellement il n’y a plus rien. Je ne suis pas dans la musique sur le net, je ne fais pas de clips, ma vie est dans la musique live au contact des gens, donc évidemment on est très impactés. Mais je ne me plains pas pour moi. Par contre j’en connais plein qui sont dans la merde. J’ai des potes là qui se demandent comment finir le mois, certains ont planté un potager parce qu’il n’y a plus d’argent pour manger. On fait pousser des choses pour tenir tout l’été et puis après on voit ce qu’il se passe. On est en 2021, en France ! On va vers un truc assez flippant pour pas mal de gens.
Alors pour moi, faire ce qu’on fait là au studio ça donne un sens à tout ça. Ma copine me dit “c’est cool tu vas voir les autres, vous allez enregistrer un album”. Et moi j’étais là “ouai c’est cool mais moi ce que j’aime c’est être sur scène avec d’autres musiciens … Mon métier c’est un travail d’équipe”. Et puis finalement, c’est exactement ce qu’il s’est passé là au studio. C’est un jeu de ping pong et à la fin tu n’as pas envie que ça s’arrête. Donc je vais repartir avec une énergie qui va me faire passer le fait que pour le moment tout le secteur de l’art globalement, c’est mort. Tu ne peux pas aller dans une expo, tu ne peux pas aller dans une galerie, tu veux faire des visites c’est sur rendez-vous, à deux dans la pièce … C’est complètement fou !

On a l’impression qu’il y a eu un réel plaisir d’être ensemble en studio. Thomas, peut-être que si tu avais enregistré tout seul avec un ingé son et que ton groupe n’avait pas été là ça n’aurait pas été le même plaisir ?

Thomas : En fait, je vois grossomodo ce qu’il y a à faire mais après … Là, le gars qui se tape tout le boulot de compo est présent. On n’aurait pas eu ce résultat sans la présence de Johann. On aurait peut-être pu le faire si on avait su se voir avant et tout réglé en amont. Mais sans Johann et Fabien, je n’aurais pas pu arriver à ce résultat. C’était important pour les chansons.
Johann : En plus parfois Fabien fait le lien entre nous. On vient d’univers super différents et Fab est au milieu, il fait traducteur.
Thomas : Oui, parce que lui il synthétise, c’est ça il fait le lien sur tous les trucs sur lesquels on se capte pas.

Ombeline [chanteuse du groupe] est venue ce weekend pour la première journée aussi ?

Johann : Elle est venue dimanche et lundi. Et elle aurait aimé être là toute la semaine …
Thomas : Mais elle a son boulot. Elle en a profité pour faire plein d’images, des mini interviews débiles, bref du contenu pour alimenter la promo.
Johann : Je pense que tout le monde aimerait être là tout le temps, aussi bien pour les prises de basse, de guitares, de chant … PE aurait aimé être là aussi.

Asylum Pyre

Et toi Johann tu vas enregistrer tes parties de chant en même temps qu’Ombeline ?

Johann : Oui, certaines, les lead. En fait c’est ça qui est embêtant quand je suis chez moi, je suis en appart, alors il y a plein de lead qui sont sur la retenue. T’es là, tu cries sans crier … De temps en temps quand on fait des prises avec Ombeline elle y va, je pense que sa voix traverse moins les murs. J’ai énormément de volume en fait, si je crie vraiment ça fait beaucoup. Donc il faudra que je fasse des enregistrements ici, au studio, pour les vraies prises avec les lead d’Ombeline. Les backing, les petites illustrations, j’ai ce qu’il faut niveau micro pour le faire chez moi.
En fait, c’est compliqué pour le chant. Ça dépend peut-être des personnalités, mais je pense que tu as besoin entre guillemets de plus d’intimité dans le sens où ton instrument c’est toi. Même si dans tout instrument il y a une partie de toi, pour le chant c’est vraiment super particulier donc on fera comme c’est mieux pour Ombeline.
Fabien : On fera des tests ici et si elle n’est pas bien on trouvera une autre solution.

Les premiers jours sont peut-être plus en retenue … Thomas est-ce que tu considères que tu étais plus à l’aise sur les morceaux que tu as enregistrés au bout du 2e, 3e ou 4e jour que le tout premier jour ?

Thomas : On prenait à la volée comme c’était … Ce studio je le connaissais, je savais que ça allait le faire, je savais avec qui je le faisais et Johann était là pour surveiller tout ça. Il n’y a pas eu de stress. Le studio ça peut être un peu flippant. Tu comptes “3, 4” … et ça part pas. Ou tu fais un plan tout seul ça passe mais avec les mesures d’avant ça coince. Mais là par rapport à pas mal d’enregistrements que j’ai pu faire auparavant, je n’avais pas cette peur là, cette peur qui te tétanise, qui t’empêche de faire les choses.
Johann : Mais il y a 10 ans de ça j’aurais peut-être été plus un poids qu’autre chose. Parce que justement en tant que compositeur, de l’extérieur, tu peux être un peu à dire “ah qu’est-ce qu’il va faire là ?” …
Thomas : Mais ce qu’on a appris du précédent album, là on a réitéré. C’était la première fois que ça se passait comme ça. Pour « N°4 », en plus on découvrait Angelo [L’ingé son chargé du mixage de l’album]. Il arrivait, t’étais sur ton canap’, tu matais ce qu’il se passait. Maintenant c’est la même chose en plus confort. Et moi je voudrais que ça continue comme ça quand on fait mes sessions … sauf si on a tellement bossé que je peux les faire tout seul. Le fait qu’il y ait un jugement extérieur véridique, un vrai truc de gens qui n’ont que ça à faire que d’écouter et de dire “oui” et “non” c’est hyper rassurant. T’es en équipe et tu fais ton truc.  Il y a des moments où je leur dis “tu fais trois à quatre fois le même plan à peu près pareil”, je me fous de savoir lequel on prend, on prend celui qui leur plaît. Si les gens sont contents, tu gagnes du temps. Le temps d’arriver à un truc où toi t’es content et eux aussi, ça peut être long et on n’a pas de temps à perdre. 

Donc là Angelo récupère les pistes et il va faire les batteries définitives ?

Fabien : Là pour le moment il va éditer ce qu’il y a à éditer et nettoyer les pistes … après je ne sais pas comment il travaille mais c’est d’abord du travail d’édit, et juste faire un pré-mix pour faire une mise à plat et qu’on ait un truc qui soit bien avancé pour pouvoir travailler confortablement.
Thomas : En tout cas, ça sera définitif dans la structure et dans la mise en place. Du définitif dans le son ça sera plus tard. Il va d’abord tout valider, prendre le meilleur du meilleur. On a fait en sorte d’avoir des trucs corrects au maximum mais on n’est pas à deux trois machins près, “tiens là par rapport à ce qu’il se passe, la grosse caisse on va faire comme ça” … Sur le précédent album, c’est le frère d’Angelo qui s’était occupé de ça, qui avait fait le nettoyage et la quantisation si besoin … Il m’a dit “je t’ai recalé une grosse caisse sur tout l’album”. Parce qu’on s’était cassé le cul pareil que là ! Ensuite Angelo va magnifier tout ça, remettre comme il a envie en gardant l’humanité et la dynamique … Sur « N°4 » c’est arrivé avec le son abusé mais je me suis reconnu, c’est pas quelqu’un d’autre. Il y a un vrai respect de notre style, ce qu’on n’a pas trouvé chez les mecs en France qui voulaient juste tout mettre sur la ligne.

On s’imagine que l’intérêt d’avoir un ingé son pas loin c’est de pouvoir être tout le groupe et d’entendre tous la même chose et de dire “là y a ça”, ce qui n’est pas votre cas puisque Angelo est en Italie.

Thomas : En fait on a un rapport de confiance par rapport à ça. On sait que ceux qui ont un peu la main sur les décisions ne vont pas faire de la merde. Personnellement sur le résultat final de « N°4 », à part dire à Angelo “non on fait une batterie des années 80 avec de la reverb” … c’était mon seul commentaire.

En effet c’est important d’avoir tous le même niveau de rigueur dans ce type de projet, et si votre ingé son est dans la même veine que vous, ça ne peut que matcher. Est-ce que c’est lui aussi qui s’occupera du mastering de l’album ?

Johann : Non c’est toujours mieux d’avoir un mastering externe. A priori on va retourner avec le même qui nous avait fait un super truc la dernière fois, Mika Jussila. Et puis à l’époque c’était un peu un rêve de gosse d’avoir le même nom sur l’album que le mec qui faisait les masterings de Stratovarius et de Beast In Black. Il a un CV énorme et il est adorable. Il avait même accepté de faire partie des personnages qu’on avait présentés sur des sortes de petites cartes de jeu.

D’ailleurs ces personnages là existent toujours ou ça n’était que pour l’album « N°4 » ?

Johann : Ils sont toujours d’actualité, il y a vraiment toute une histoire avec le concept. On les cite même à un certain moment.
Thomas : Tu vois c’était vraiment un nouveau point de départ.
Johann : Même si on avait fait l’affiche qui récapitulait depuis le début, il y a quand même effectivement la naissance des personnages vraiment identifiés et effectivement ça perdure encore.


Quelques semaines plus tard, Asylum Pyre m’a également permis d’assister à une journée d’enregistrement des voix avec Ombeline, alias Oxy Hart, et Johann. Une interview, en vidéo cette fois, sera diffusée prochainement sur notre page Facebook. L’occasion aussi de vous faire partager quelques images du studio. Restez à l’affût, ça arrive bientôt. !

Ce nouvel album s’appelle « Call Me Inhuman » et sera disponible dès le vendredi 24 mars en version physique et digitale sur toutes les plateformes de streaming. Quatre singles sont déjà sortis : un clip pour « Virtual Guns » (lien plus haut dans l’article), un mois plus tard une lyric video pour « The Nowhere Dance« , puis un autre clip avec « Fighters » et enfin « There, I could Die » est venue récemment compléter la liste, une semaine avant la sortie de l’album. Les quatre vidéos ont été réalisées avec brio par Cécile Delpoïo.

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