C’est une date un peu étrange, car ce soir les barons du thrash brésilien, Sepultura, fêtent leurs quarante ans de carrière, mais ils font également leurs adieux à la scène. Et c’est l’AB qui a été choisie pour accueillir cet événement à double tranchant. Un choix particulier, car la capacité de la salle est limitée à moins de 3 000 personnes. Autant dire que les places se sont arrachées à l’annonce de la tournée, l’année dernière, et qu’on peut qualifier de chanceux ceux qui sont présents. Ce soir, c’est sold out !

Avec une ouverture des portes à 17h00, heure à laquelle je quitte habituellement le bureau, il est impossible pour moi de voir Jesus Piece, groupe de hardcore américain, qui ouvre les hostilités. J’arrive sur le début du set des Américains d’Obituary qui, eux-aussi, propagent leur death metal « à l’ancienne » à travers le monde depuis une quarantaine d’années. Ce que j’aime bien chez Obituary, c’est que les musiciens ont toujours l’air de bonne humeur sur scène, c’est plutôt communicatif. Par contre, qui dit quarante ans de carrière, dit discographie conséquente, cela ne doit donc pas être évident pour le groupe de sélectionner une setlist de 45 petites minutes qui reprend à la fois ses titres phares, tels que « Redneck Stomp » ou « Slowly We Rot », ainsi que quelques nouveautés issues de leur dernier album « Dying Of Everything » (2023).

Pour info, Obituary terminera l’année 2024 avec une tournée en headliner en Angleterre, ainsi qu’en Europe. Les Américains repasseront donc par la Belgique le 11 décembre, au Trix.

Après une petite pause, ce sont les ambassadeurs de l’Ukraine – pays en guerre contre la Russie depuis 2022 – et maîtres actuels du groove metal sauce djent qui prennent possession de la scène : Jinjer ! Cela faisait au moins deux ans que je n’avais pas vu le groupe, qui commence son set avec un des morceaux qui l’a fait connaître : « Sit Stay Roll Over ». Quelle énergie ! Pour être honnête – même si les photos me trahissent un peu – tout au long du concert, mon attention est portée sur Tatiana … Difficile de faire autrement, car elle est captivante, tant par le panel de voix qu’elle propose allant d’un growl très masculin à une voix claire comme de l’eau, que par le charisme qu’elle dégage et le style qu’elle affiche. En ce qui concerne la setlist, je suis émue d’entendre « Retrospection », qui est sans doute ma chanson préférée, mais ce sont surtout des nouveaux morceaux qui sont proposés : « Fast Draw », « Kafka », « Rogue » et « Someone’s Daughter ». Ces titres figureront sur le déjà cinquième album du groupe, « Duél », qui sortira dans son entièreté au mois de février 2025. Bref, ce moment de plaisir pour les yeux et les oreilles avec ce set hyper carré et énergique de Jinjer a contribué à maintenir l’ambiance au sein d’un public compact.

Ultime break de la soirée avant d’entamer le plat de résistance. La mission bar est réussie, par contre celle des toilettes a échoué : il y a beaucoup trop de monde, c’est un coup à rater le début du concert.

Alors, si on avait déjà une sensation de professionnalisme après la performance de Jinjer, l’entrée de Sepultura sur une scène débarrassée de tout matériel en impose davantage. Et quand Derrick Green débarque en tenue de sport sur les premières notes vrombissantes de « Refuse / Resist », on comprend qu’il n’est pas venu pour enfiler des perles. Le public non plus ! Un grand merci d’ailleurs à l’équipe frontstage de l’AB qui a permis la survie des photographes sur ce début de set infernal qui a vu défiler une pluie de crowdsurfers.

Pendant 1h30, les Brésiliens ont mis le feu à l’AB en brassant le plus possible leur répertoire, avec l’accent mis cependant sur leurs albums emblématiques, « Chaos AD » (1993) et « Roots » (1996). Au milieu du set, un ralentissement est cependant proposé avec l’interprétation de « Kaiowas », un morceau instrumental à la fois dédié à la tribu du même nom vivant dans la forêt amazonienne, ainsi qu’à la nature que l’on ne cesse de détruire. Cette séquence touchante est accompagnée aux percussions par les batteurs des autres groupes de l’affiche qui sont rejoints au fur et à mesure par d’autres intervenants sur la tournée, comme des techniciens ou des roadies. Le concert remonte ensuite en intensité et Sepultura poursuit sa course dans les méandres de ses rythmes tribaux, ses riffs mythiques acérés et ses refrains empreints de révolte scandés à tue-tête par la foule. Et bien sûr, l’ensemble du parterre s’enflamme de plus belle, pour la dernière fois, quand le légendaire et indémodable « Roots Bloody Roots » retentit. Et voilà, c’est fini … Sous l’ovation du public, Sepultura disparaît triomphant.

Le temps que le la salle se vide, le moment du débrief est arrivé et il y a peu d’ombres au tableau dessiné par ce concert qu’on peut résumer en deux mots : puissance et précision. C’est simplement un peu triste de se dire qu’il s’agissait du dernier concert de Sepultura en Belgique et nous sommes plusieurs à se dire que ce n’était qu’un au revoir.

Setlist :

1. Refuse/Resist
2. Territory
3. Kairos
4. Phantom Self
5. Attitude
6. Means to an End
7. Choke
8. Guardians of Earth
9. Breed Apart
10. Escape to the Void
11. Kaiowas
12. Dead Embryonic Cells
13. Agony of Defeat
14. Troops of Doom
15. Inner Self
16. Arise
17. Ratamahatta
18. Roots Bloody Roots