Le groupe d’horror black metal néerlandais sort son nouvel album : Franckensteina Strataemontanus. Un opus qui conserve toutes les recettes des précédents albums tout en apportant du sang neuf.

L’album mixé par Robert Carranza (Marilyn Manson) s’ouvre avec une intro quasi religieuse, presque féérique. L’auditeur est directement plongé dans l’ambiance comme Carach l’a toujours si bien fait au fil de ses albums, avec une théâtralité souvent exacerbée, jamais « too much ».

L’atmosphère unique créée par les chœurs et le clavier dans « Here In German Woodland » ouvre donc les hostilités.

Sans transition, le batteur Namtar poursuit à la double pédale avec le titre « Scourged Ghoul Undead », qui ravira les fans d’un Carach Angren plus « brut ». Rappelons que Namtar est désormais remplacé par Michiel van der Plicht (God Dethroned). Dans ce morceau, nous avons même droit à des parties de flûte volontairement dissonantes.

Arrive en troisième place le titre éponyme, qui est pour moi sans nul doute le morceau avec la plus grosse influence metal industriel. Le piano lancinant rajoute un effet glaçant à un morceau cependant beaucoup moins complexe dans sa structure que les autres.

Sans la voix caractéristique de Seregor, on croirait écouter le dernier single de « Ghost » en écoutant le titre « The Necromancer ». Un titre qui tombe comme « un cheveu dans la soupe » mais qui a le mérite de briser la monotonie qui risque de s’installer lorsqu’on aborde un style aussi précis que celui des Néerlandais.

Dans « Sewn For Solitude », le violon rappelle fortement l’époque classique : on se croirait à un bal où Mozart lui-même aurait pris possession du piano. La chanson est émotionnellement très forte, et le sentiment de solitude est évident, avec des descentes chromatiques notamment.

« Operation Compass » est assez proche de ce que le groupe a déjà fait par le passé, avec cette fois une voix typiquement death metal.

“Monster”, la chanson dédiée à Frankenstein mais aussi plus globalement à tous les monstres, porte l’influence Marilyn Manson à son paroxysme. On sent bien dans la voix de Seregor toute l’horreur et la terreur du monstre qui prend conscience de lui-même.

L’album poursuit avec « Der Vampir von Nürnberg », qui rappelle fortement certains titres de l’album « Lammendam » (2008). Carach Angren nous explique ici l’histoire du nécrophile qui déterra des femmes pour leur ouvrir la gorge et boire leur sang. L’influence classique que nous évoquions dans le titre « Sewn For Solitude » est de retour dans ce titre, mais cette fois se situe plutôt dans la période romantique, notamment dans une transition très efficace.

« Skull With A Forked Tongue » est un bon exemple pour ceux qui affectionnent les guitares. Le jeu est en effet agile en plus d’être très précis. Un court solo, le seul de l’album, y apparaît même.

“Like a Conscious Parasite I Roam”, la dernière chanson de l’album (sans compter le bonus track « Frederick’s Experiments ») est bien plus calme que les autres, et conclut cet opus en installant une ambiance digne d’un film de Tim Burton.

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« Frankensteina Strataemontanus » est une « œuvre totale », comme l’aurait dit Wagner. La musique de Carach Angren a cette caractéristique presque magique de « donner à voir » au spectateur quelque chose qu’il ne fait pourtant qu’entendre, en le plongeant dans une narration et une ambiance particulière. Les Néerlandais utilisent les recettes qui fonctionnent (samples très creepy, piano et violon strident, orchestrations quasi opéra, …) tout en incorporant des influences metal industriel et une grande variété vocale.

J’admets être une auditrice difficile : je n’aime que rarement un album à la première écoute, mais celui-ci m’a immédiatement conquise. Mon seul petit regret concerne le mix, qui manque d’après moi de profondeur, pour une musique qui pourtant en réclame beaucoup. Peut-être encore davantage … Et c’est une impression qui traverse l’album de chanson en chanson.

On reconnaît le style typique de Carach Angren, mais même après six albums, ils arrivent encore à innover, en conservant la base black symphonique tout en glissant des influences industrielles. « Frankensteina Strataemontanus » est un album qui prend aux tripes. Et malgré la difficulté de rester au sommet après des albums aussi aboutis que « Lammendam » ou « Where the Corpse Sinks Forever » par exemple, Carach Angren arrive à montrer que la faucheuse est toujours bien présente !

Valentine Cordier