Au Hellfest 2019, j’ai eu l’occasion de rencontrer Louis et Jona de Coilguns. Je partage avec vous ce petit moment d’échange bien agréable que j’ai eu avec eux. Je vous recommande vraiment d’aller écouter ce « rock fâché » qui nous vient tout droit de Suisse. Ils ont des choses vachement intéressantes à vous dire.

Tout d’abord, commençons par les présentations. Qui êtes-vous et quel est votre job dans Coilguns ?

Jona : Je suis Jona Nido et je fais de la guitare.

Louis : Je m’appelle Louis Jucker et je suis le chanteur.

Comment définiriez-vous Coilguns musicalement parlant ?

Jona : Moi je dis systématiquement qu’on fait du rock vénère parce qu’on mélange quand même pas mal de trucs. Je ne dis pas ça pour dire qu’on fait spécialement quelque chose en mélangeant les influences de chacun mais c’est un fait qu’on va chercher un peu à tous les râteliers.

On n’aime pas trop se poser de limites. Du coup, on peut avoir des éléments autant grind que punk, que hardcore, que noise mais quand même avec une base très rock énervé j’ai l’impression.

Au niveau des chansons, avez-vous des thèmes de prédilection ou thèmes récurrents ?

Louis : Le dernier album qu’on a sorti, il s’appelle « Millennials ». C’est un nom que les gens auraient donné à la génération qui nous concerne. Je trouve ça assez fort de donner un nom à une génération qui est « en cours » surtout qu’elle n’a pas vraiment de lien entre elle à part tout ce qui nous entoure. C’est un peu la génération Internet. C’est un peu ça qui nous relie.

Evidemment qu’avec un titre d’album comme ça, toutes les chansons vont vraiment questionner ce qui nous relie, qu’est-ce qui fait qu’on ait quelque chose ensemble avec tous les problèmes que ça suppose puis la lâcheté qu’on peut avoir par rapport à ça.

Puis, après, sans du tout vouloir faire du conspirationnisme ou quoi que ce soit; cet album sert aussi à pouvoir exorciser aussi cette impression d’être une espèce de mini fourmi dans une fourmilière mais sans piger dans quel sens il faut marcher dans cette fourmilière. C’est aussi pour exorciser ça, crier ces questions qui tournent dans la tête. Ça parle du marché de l’emploi, de nos libertés individuelles, notre rapport à l’amour, au désir, nos sources de peur… C’est une musique hyper violente, désagréable, bruitiste mais elle permet de porter.

Pour ma part, je vous ai découvert dans une petite salle. Lors de la prestation tu (Louis) avais un contact assez rapproché avec ton public, il y avait vraiment beaucoup d’interaction physique avec les spectateurs. Je me demandais comment vous alliez gérer ça demain, sur une scène si éloignée du public.

Louis : Moi ce que je travaille, c’est un truc assez proche de l’instant présent. Je ne cherche pas forcément à choquer les gens, à les brusquer ou à les forcer à écouter. Je cherche vraiment à trouver justement une manière d’être au même moment à un endroit et passe souvent par des gestes mais qui sont improvisés au fil des concerts parce qu’ils ne seront peut-être pas les mêmes à Liège qu’ailleurs.

Ici, au Hellfest ça va encore être différent parce que c’est public qui va être bizarre: c’est une grosse assemblée avec plein de gens qui nous connaissent, d’autres qui ne connaissent pas et qui viennent tous d’horizons différents. Moi je pense que ça va être difficile de créer de l’instant présent. Surtout que je pense que les gens qui sont ici, attendent qu’il y ait quelque chose qui se passe. Je ne suis pas sûr qu’il y aura besoin de descendre dans le public, de toucher les gens puisque de toute façon, tous les toucher ça va prendre beaucoup de temps. On verra, de toute façon, ce n’est pas quelque chose que je peux trop préparer vu que ça doit rester naturel et dans l’instant présent.

Est-ce que vous attendez quelque chose en particulier de cette prestation au Hellfest ? Toucher un nouveau public, avoir une meilleure visibilité. C’est peut-être aussi un rêve pour vous de jouer sur une scène comme celle-ci ?

Jona : Là où on en est, je ne dirais pas que c’est un rêve. C’est plutôt la continuité de ce qu’on a entamé comme travail depuis qu’on a monté le groupe. C’est-à-dire qu’avec le dernier album, c’est vraiment quelque chose qu’on s’était fixé comme objectif. Parce que c’est clair que c’est une vie peu compliquée de tourner au niveau où on tourne. On ne joue pas devant des centaines de personnes tous les soirs et pourtant c’est ça qu’on fait à temps plein. Et puis du coup, quelque part des festivals comme le Hellfest ça crédibilise, ça valide un peu le travail.

Quand on a sorti le dernier disque « Millenials », on s’est dit que si on était programmés au Hellfest, ça nous donnerait un peu de jus. Evidemment, il y a plein d’autres choses qui nous donnent de l’énergie et qui nous donnent envie de continuer. Mais là, c’est vrai que ça faisait quelques années déjà qu’on essayait d’y jouer et qu’il n’y avait peut-être pas des arguments pour le faire. Et là, je ne sais pas comment la décision s’est faite mais ce qui est sûr c’est qu’on a sorti ce nouvel album. Nous on a l’impression qu’il y a une évolution, qu’il y a eu du développement. Et puis comme par hasard on est booké au Hellfest donc, c’est pas du tout pour paraître prétentieux, mais moi, ça me paraît naturel dans la continuité de ce qu’on a mis en place d’y arriver.

Après c’est assez intéressant de voir qu’on joue à 10 heures et demie du matin. Ce qui moi me faisait rire, mais en causant avec des gens, je me rends compte que c’est quand même une position qui met en lumière le groupe parce que du coup c’est le groupe qui joue à 10 heures et demie du mat. J’ai pas l’impression qu’il y aura un public de gens qui ne connaissent pas du tout, mais, par effet boule de neige, on va sans doute bien sûr être exposés à beaucoup de gens qui ne connaissent pas ou qui n’ont jamais eu l’opportunité de nous voir mais qui nous connaissent. Et après ce que cela ouvre, j’ai l’impression que c’est plus du côté « pro »: ça va peut-être impressionner un ou deux ou deux mecs qui viennent à des concerts si on leur dit qu’on a joué au Hellfest mais je me rends compte pour avoir vu d’autres groupes dont c’était le cas que l’on peut jouer à des gros festivals mais continuer de jouer devant 150 personnes dans des clubs en tournées.

Louis : Il y a tout qui est hors de proportion. Moi je trouve ça assez cool qu’on soit placé à un endroit chelou du programme, ça nous correspond assez bien. Et puis j’ai regardé, il y avait un gars qui avait un t-shirt avec la programmation et on est tout en bas on est en bas au centre. Moi je trouve que c’est exactement ce qu’on est et puis on n’a pas du tout de rêves de grandeur ou de trucs comme ça. J’espère juste qu’on va pouvoir prouver un petit truc qui faire que ça ouvre bien la journée.

Qu’est-ce que vous préférez: un festival ou une petite salle ? Qu’est ce qui, selon vous, met le mieux Coilguns en valeur ?

Louis : Justement, on avait été programmé alors qu’on était en pause. On avait été programmé au Paléo Festival qui est un des plus gros festivals de musique tout public en Suisse. Ils nous avaient programmé pour clôturer une des soirées. Moi c’était plutôt un truc que j’appréhendais. Je me demandais si c’était vraiment une si bonne idée que ça. Surtout qu’en plus là c’est un public qui ne connaît pas cette musique-là, donc on ne sait pas comment il va réagir. Je n’avais pas du tout envie de faire la bête de foire ou l’animal en cage ou le freak show ou un produit exotique. Je pense que ce n’était pas du tout l’intention des programmateurs. Ce qu’on fait c’est spectaculaire: parce qu’on joue très fort, on bouge beaucoup, on crie très fort. Il y a quelque chose de spectaculaire mais ce n’est pas du tout un spectacle qui se veut être une source de fascination. On veut partager de l’énergie. Je n’avais pas trouvé le résultat si concluant que ça. Après, c’est une période où on tournait peu.

Plus tard, il y a un autre festival, un peu plus petit mais de même genre qui nous avait programmé. Et là, on avait longuement causé avec le programmateur et on était aussi à un autre moment de confiance de notre jeu scénique. Et ça s’est super bien passé.

Moi j’ai l’impression que maintenant, on peut jouer n’importe où. Qu’on joue devant cinq personnes ou dans un club vide, embarrassant tellement il est vide ou dans un club hyper plein ou dans un festival: ce ne sont que des matières différentes avec lesquelles on peut jouer donc j’ai l’impression qu’on peut passer un peu partout. Notre musique marche de mieux en mieux dans des grands haut-parleurs. Au début, il y avait tellement de cymbales et puis juste de la guitare avec des riffs que personne ne peut piger. Je pense que maintenant on va dans des directions qui sont souvent plus proches de chansons et je crois que ça, ça peut aussi rendre le truc plus intéressant à jouer.

Je ne crois pas qu’on ait la volonté de faire de la musique de niche. Enfin pour nous ça ne devrait pas être de la niche ce qu’on fait mais à voir ce que c’est la musique qui n’est pas de la niche, alors on veut bien faire de la niche.

Je vous laisse le dernier mot de cette interview.

Louis : ça me donne la même impression que si tu me demandais d’enregistrer un truc pour le mettre dans un satellite puis de l’envoyer très loin. Moi je me demande qui lit encore ces magazines, qui s’intéresse à ça. Puis, vu qu’ils nous lisent, bah je le félicite de nous manifester de l’intérêt, de se documenter et d’avoir cette curiosité parce que je trouve ça magnifique. Donc, juste merci de s’intéresser à ça.

 

Photo de Tigroo Photo pour All Rock