Il y a quelque temps, nous avions contacté Les Acteurs de L’Ombre et c’est Gérald, label manager, qui a pris le temps de répondre à nos questions concernant ce label français axé black metal et metal extrême. En fin d’interview, vous pourrez consulter les liens vers leurs réseaux et leur catalogue où vous trouverez certainement de quoi ravir vos oreilles ! Nous avions publié précédemment plusieurs interviews de groupes liés aux Acteurs de L’Ombre dont Hyrgal, Aorlhac et SETH.

Tout d’abord, qui êtes-vous et quel est votre rôle au sein des Acteurs de L’Ombre ?

Bonjour, je suis Gérald, label manager du label que j’ai créé en 2008.

Les Acteurs de L'Ombre -INTERVIEW

Les Acteurs de l’Ombre, comment avez-vous choisi ce nom ?

J’ai créé Les Acteurs de L’Ombre en 2001 avec 3 amis. J’ai proposé ce nom lors de notre première réunion. L’idée était de trouver un nom qui rappelle à la fois les acteurs de la scène underground et ceux qui la défendent dans l’ombre. Un nom qui nous rassemble dans notre passion et notre activisme pour la défendre et la faire vivre.

Pourriez-vous nous expliquer brièvement l’histoire du label ?

Suite à une mutation professionnelle en 2008, j’ai dû laisser la présidence de l’association LES ACTEURS DE L’OMBRE créée en 2001, et j’en ai profité pour lancer le label pour l’association de manière autonome. Je suis un passionné de black metal depuis 94. Je n’ai jamais cessé de m’investir dans la scène, au travers de groupes, un fanzine, un webzine, une organisation de concerts et de festivals. En 2011, la branche organisation de spectacles et le label ont été scindés en 2 entités différentes et autogérées.

En quoi la situation actuelle qui plonge le monde dans un certain sommeil a une incidence sur le label ?

Nous sommes impactés comme tout le monde dans l’industrie de la musique et du spectacle. Tout est en standby, comme si le monde s’était endormi. Outre le fait que la distribution physique est presque à l’arrêt car les magasins sont fermés, les gens commandent moins sur internet et j’ai appris qu’Amazon se mettait en pause. Du fait de l’annulation des tournées, des festivals, nous ne pourrons pas tenir les stands prévus. Cela va engendrer un énorme manque à gagner qui met en péril les sorties qui suivent l’été. Nous devons trouver une solution pour générer assez de trésorerie pour ne pas les reporter.

Quels sont les critères de LADLO concernant les groupes que vous intégrez au label ?

Il y a beaucoup de critères à prendre en compte, bien évidemment la qualité artistique et musicale d’un groupe est la chose la plus déterminante. Mais nous devons avoir une vision globale, car ce qui a souvent fait la différence chez nous, c’est le sérieux du groupe allié à sa motivation. Le feeling dans nos échanges prend aussi une bonne part d’importance. Lorsqu’un groupe vient vers nous en démontrant une vraie volonté de collaborer avec nous tout en abordant notre collaboration éventuelle de manière professionnelle, cela nous laisse porter plus de crédit à chaque application. J’entends par là, un groupe qui vient avec un concept et univers graphique abouti, une vision à moyen et long terme de sa carrière, une volonté de faire du live avec une vraie scénographie et qui a su s’entourer de personnes compétentes pour développer son art. Il doit aussi s’engager à nous appuyer dans la promotion et se montrer disponible. À contrario, il nous arrive de signer des groupes qui ont besoin de management, ainsi, nous les mettons en contact avec des graphistes, photographes, studios d’enregistrement, bookers et nous les accompagnons à différents niveaux.

Y a-t-il un groupe auquel vous n’avez pas cru dès le départ mais qui vous a plus qu’agréablement surpris au niveau de son évolution ?

Nous ne collaborons pas avec des groupes qui nous proposent un album qui ne nous plairait pas, nous croyons dans chaque sortie. Y compris les groupes dans notre roster car nous ne nous engageons que pour un seul album à la fois. Nous sommes tous bénévoles et puisque nos avis ont tous le même poids, nous choisissons nos sorties en votant à la majorité. Ainsi, certains travaillent sur des sorties dont ils ne sont pas particulièrement fans, mais ça tourne puisque à l’image de nos goûts, nous produisons des albums très variés. Cependant, il peut arriver que des groupes dépassent nos espérances en termes d’accueil et de retour du public.

Quelles sont les 3 meilleures sorties de cette année au sein de LADLO ?

De mon point de vue, nous proposons un panel plutôt large de ce que l’on peut trouver dans le metal extrême à tendance black metal et toutes nos sorties méritent la même attention. Je pense qu’il y en a pour tous les goûts ou presque. J’ai le sentiment que notre catalogue propose de la qualité et une vraie diversité. C’est le retour que nous font les gens qui nous suivent, ils peuvent acheter nos sorties les yeux fermés. Je n’ai jamais de regret sur nos choix de sortie, même ancienne, car nous menons le label avec sincérité.

Aussi, je ne pourrais te dire telle sortie est meilleure qu’une autre, elles sont toutes différentes, et je suis fier de chacune d’entre elles. J’ai mis beaucoup de temps à répondre à ton interview puisque envoyée fin 2019, du coup, j’adapte ma réponse. Actuellement, nous avons 3 sorties réalisées en 2020 :

MONOLITHE, huitième album, « Okta Khora », sorti le 31 Janvier 2020 (progressive doom metal)

SONS OF WANTED MAN, premier album, « Kenoma », sorti le 7 Février 2020 (blackened post metal)

BORGNE, neuvième album, « Y », sorti le 6 mars 2020 (industriel black metal)

Et je bloque pas mal sur l’album à venir de GRAVE CIRCLES, « Tome II ». GRAVE CIRCLES est l’un de nos artistes qui restent les plus fidèles au style originel, sans s’y limiter. S’il ne révolutionne pas le genre, il a su trouver son identité à travers diverses influences. Il en résulte un black metal torturé à l’image des thèmes abordés dans les paroles. Un album intense et varié, aux structures parfois complexes et aux riffs brutaux, mais aussi lancinants ou mélodiques, aux ambiances aériennes et occultes. Une bête souterraine, rampante et dissonante, rythmée par une batterie infaillible et des incantations presque rituelles.

Si vous pouviez changer une chose à l’industrie musicale, laquelle serait-ce et pourquoi ?

Je dirais qu’à la fois c’est un rouage qui s’est fait avec le temps, qu’il est difficilement modulable, et aussi, qu’il essaye de s’adapter au mieux à l’évolution continuelle des modes de communications et diffusions. Il y aurait plein de choses à changer car il y a beaucoup d’inégalités, mais à notre niveau, le problème auquel nous sommes régulièrement confrontés est celui des droits des artistes et de leurs rétributions. Beaucoup chez nous ne sont pas affiliés SACEM, ça peut poser des soucis à certains niveaux, à contrario nous avons des frais supplémentaires pour ceux qui le sont. Et ce n’est pas toujours évident car nous fonctionnons en totale autogestion, et du fait que nous ne sommes pas dans le circuit, et ne bénéficions pas des aides et accords avec les différents organismes, pour nous c’est un coût. Sans compter que les artistes un peu novices ont un peu de mal à récupérer leurs droits du fait de leur désorganisation. Et je ne parle même pas des royalties ridicules sur le streaming…

Est-ce qu’il vous arrive de travailler avec d’autres labels ? Comment est l’entente entre les différents labels français ?

Oui, plusieurs fois, mais cela n’a jamais été une bonne expérience. Collaborer sur une sortie implique une certaine organisation, rigueur et synchronisation entre les deux labels. Malheureusement, les choses sont telles que les fonctionnements internes de chacun ne sont pas forcément en adéquation et compliquent le processus général. On a souvent de mauvaises surprises avec des malfaçons suivant qui a géré quoi. Et puis, il faut se mettre d’accord sur les deals, les visuels, les supports, le merchandising, la distribution… Toujours assez galère.

L’entente entre les labels français est plutôt bonne, on se file des coups de main, on fait la bringue ensemble. Nous ne sommes pas concurrents et nous nous connaissons pour beaucoup de longue date.

Quels sont vos attentes et vos objectifs pour l’année à venir ?

Je souhaite juste que nous puissions continuer notre activité autant de temps que cela nous sera possible avec la même ferveur. Je rêve de toujours plus de collaborations enrichissantes et de moments mémorables. Étant donné la conjoncture actuelle, notre priorité est de trouver le moyen de pouvoir maintenir les sorties prévues après l’été. Nous réfléchissons actuellement à des alternatives, et relançons en ces temps de confinement, des projets restés en sommeil depuis des années. Il ne nous reste plus qu’à garder la foi et espérer que nous arriverons à combler le déficit au moins partiellement.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Merci à toi et à Metal Overload pour votre soutien. J’encourage juste les lecteurs à venir jeter une oreille à notre roster : https://ladlo.bandcamp.com Je pense que nos groupes sont encore trop largement méconnus et pourtant très méritants.


Photo de Gérald par Thomas Orlanth

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