Le 26 septembre dernier on découvrait “Stars”, un tout premier clip issu de “Tuolla”, l’album solo de Cécile Delpoïo. Une vidéo et une musique saisissantes de six minutes qui te prennent directement aux tripes. C’est nuancé, c’est grâcieux, c’est une explosion d’émotions, bref, une vraie réussite pour la jeune chanteuse, compositrice et réalisatrice. Cécile Delpoïo, chanteuse du groupe de metal symphonique francilien Remember The light, a décidé, le temps d’un album, de voler de ses propres ailes pour nous offrir un univers plus fantastique dans son monde imaginaire, Tuolla.

Le 26 octobre, l’album “Tuolla” est sorti en version physique et sur toutes les plateformes de streaming. Cécile nous en dit plus sur l’album, le clip, et le monde Tuollien.

Bonjour Cécile et tout d’abord, bravo pour ton clip et ton album. Quel message as-tu voulu diffuser à travers le clip “Stars” ?

Ça parle tout simplement de la dépression, et de se battre pour sortir de la dépression. En fait, j’ai écrit une nouvelle qui va avec l’album “Tuolla”. L’histoire est assez différente du clip, c’est un truc fantastique dans des mondes imaginaires. Comme je ne pouvais pas refaire ça en clip avec mes petits budgets, j’ai juste repris le thème de ce passage là de l’histoire qui était “se battre pour s’en sortir” et je l’ai remis dans un nouveau contexte. Je me suis dit que la dépression collerait bien avec ce thème, pour ceux qui y sont c’est un gros combat.

Parle nous des différents personnages qu’on peut voir dans le clip.

Le personnage aveugle et le personnage avec les chaînes c’est entre guillemets la même personne, elles sont là pour imager la dépression sous différentes formes. La personne qui est aveugle s’est transformée en pierre dans le bas de son corps, cela traduit le fait qu’elle est tellement prise dans sa dépression qu’elle ne peut plus bouger, qu’elle en est totalement prisonnière. Pareil pour l’autre personnage qui a les chaînes, c’est pour montrer aussi le fait d’être totalement prisonnière par toutes ses idées noires, par tout ce qui ne va pas dans sa tête. 
La pianiste, c’est la conteuse de l’histoire. Dans la nouvelle elle apparaît aussi, il s’agit du personnage de Tsila Elmaïla, une princesse déchue.
Quant à Laure Ali-Kohdja (qui est également chanteuse du groupe Elfika), la danseuse, elle représente le combat. C’est la lumière au bout du tunnel. Et c’est pour ça que l’autre personnage est lié à ses mouvements pour essayer de se libérer grâce à la petite touche d’espoir représenté par Laure.

L’enchaînement des chorégraphies est très bien réalisé et les deux personnages se confondent parfaitement malgré le fait que vous n’ayez certainement pas tourné ensemble.

Merci. En fait c’est Laure qui a tourné d’abord et ensuite j’ai décortiqué sa danse et j’ai récupéré les mouvements qui me semblaient les plus simples à reproduire, vu que je ne suis pas du tout danseuse. Quand j’ai tourné ma partie je regardais les vidéos de Laure pour refaire exactement pareil.

Concernant la voix et les “paroles” sur “Stars”, je ne m’attendais pas vraiment à ça. Pourquoi ce choix ? Est-ce une sorte de timidité ? Ou une façon de ne pas tout révéler tout de suite ?

Alors en fait tous les titres de l’album n’ont pas forcément de paroles, il y en a environ la moitié qui sont comme “Stars” et l’autre moitié il y a effectivement des paroles mais dans une langue imaginaire tout droit sortie de mon esprit, le Tuollien.
C’est vrai que la première fois que j’avais un peu teasé en mettant des extraits de ce que je faisais il y a plusieurs mois déjà, j’avais eu des commentaires de gens qui étaient surpris en disant “ah bon mais moi je m’attendais à ce que ton album ça soit du guitare / voix”, parce que je fais aussi des reprises guitare / voix. Mais en fait je pense que c’est un cliché de se dire que parce que je suis chanteuse, je vais forcément mettre le chant en avant. Quand j’ai commencé à écouter de la musique dans mes jeunes années j’ai commencé avec les musiques de films, il n’y a pas de paroles non plus dans ces musiques là. Du coup pour moi ça n’a rien d’anormal d’écrire ce genre de morceaux, parce que c’est quelque chose qui est très ancré dans mon univers musical et puis comme je fais aussi du piano et de la guitare …

Le clip “Stars” est magnifique et semble avoir été tourné à plusieurs endroits. Cela a dû demander un travail considérable. Depuis combien de temps travailles-tu dessus ? Peux-tu nous révéler quelques lieux qu’on voit dans le clip ?

J’ai commencé trois jours avant le tout premier confinement. Il y avait eu des inondations près de chez moi et je me suis dit “je vais aller faire des images là-bas”. Je savais dès le début que je voulais tourner à toutes les saisons, donc là on était au printemps, et je me suis dit “ça y est, je commence officiellement mon clip, j’en ai pour un an à tourner des images partout”. Finalement ça a même duré un an et demi.
Et pour les lieux, il y en a beaucoup en Seine-et-Marne parce que la Seine-et-Marne est un très beau pays. Avec les inondations ça m’a permis d’avoir de belles images. A un moment dans la vidéo il y a un lever de soleil en hiver, en fait normalement c’est un champ mais là c’était tout inondé, c’était magnifique.
Il y a aussi pas mal de lieux en Picardie et pour les lieux un peu plus exotiques, il y a l’Île d’Oléron et la Bretagne. Il y a un endroit près de Lyon que je ne connaissais même pas. J’étais à Lyon pour le travail et le soir en rentrant à l’hôtel j’ai vu cette falaise et je me suis dit “C’est magnifique, en plus le soleil va se coucher, il faut que je m’arrête”. Il y a des lieux en Auvergne aussi, et il y a même quelques images tournées en Espagne aussi parce que quand je suis partie en vacances cette année-là j’avais pris ma caméra.

Quand et comment est venue l’idée d’un album solo ?

En fait j’écrivais ce genre de morceaux dans mon coin et puis je ne pensais pas que j’en ferai quelque chose. Un jour je les ai fait écouter à Olivier [Reucher, compositeur et claviériste de Remember the Light] et il m’a dit que c’était dommage que je n’en fasse rien. Ça devait être il y a 4 ans je pense. Alors je lui ai demandé s’il serait d’accord pour travailler sur les orchestrations si je me lançais sérieusement dans l’aventure de l’album. Donc à la base ça a été un peu une idée lancée comme ça, sauf que moi quand je lance des idées comme ça, je finis toujours par les réaliser.
Il y a trois ans on s’y est vraiment mis et le tout premier morceau que j’ai envoyé à Olivier pour travailler dessus c’est “Stars”. J’ai adoré son travail donc on a dit “banco, on va continuer comme ça”. Après il n’a pas orchestré tous les morceaux mais il a bien fait la moitié de l’album.
Je suis vraiment contente de l’avoir fait parce que c’est totalement différent du metal, et aujourd’hui je me rends compte que j’avais besoin de l’exprimer. Comme ça je peux vraiment avoir les deux univers : le metal symphonique avec Remember The Light, et l’univers féérique avec le projet solo.

Comment s’est passée la création des morceaux, est-ce que tu composes tout au piano et ensuite c’est Olivier qui a proposé l’ensemble des orchestrations ?

Je lui ai quand même passé des maquettes où il y avait déjà beaucoup d’éléments notamment avec des violons, etc, et lui il me faisait des propositions en ajoutant des choses en plus. L’orchestration c’est le métier d’Olivier, donc il sait exactement comment ça marche en orchestre avec 40 musiciens voire 100 sur certains morceaux. Mais à la base je lui envoyais déjà des maquettes avec des arrangements que j’avais fait, ce n’était pas que du piano, et lui il les sublimait, il les mettait en vrai orchestre.
Pour le morceau “Highest Dreams” on a travaillé l’un à côté de l’autre parce que j’entendais tout dans ma tête et je ne savais pas trop comment remettre les éléments. Je lui chantais, on enregistrait mes voix, et ensuite il faisait le travail d’orchestration en mettant les bons instruments. On a fait pareil pour “The Serpent’s Venom” aussi où là on était carrément tous les deux sur le piano. Et pour d’autres morceaux comme “Stars” par contre il a travaillé tout seul dans son coin et ensuite il me présentait la chose, et puis je disais “oh la la c’est merveilleux !”.

Donc on peut vraiment dire que tu as tout fait du début à la fin en fait, c’est toi qui a réalisé le concept, la musique, les paroles, les personnages. 

Les orchestrations apportent beaucoup quand même, mais effectivement au niveau de la composition c’est uniquement moi. Il y a des morceaux comme “Aodrëna” où j’avais fait quelque chose de très simple avec un arpège au clavecin. Olivier a réécrit toute la partition et ça apporte vraiment quelque chose au morceau. J’ai tout composé mais sur certains morceaux il m’a vraiment aidé à complexifier les choses et faire en sorte que ça soit plus riche.

Et donc il y a une nouvelle qui est sortie en même temps que l’album ?

Oui il y a une nouvelle qui va avec l’album parce que chaque chanson racontent une vraie histoire, même si elles n’ont pas de paroles ou alors des paroles en Tuollien, la langue imaginaire de là-bas. Les gens pourront donc découvrir cette histoire dans la nouvelle. Par contre, elle est en anglais parce que je voulais que ça soit le plus universel possible. Et comme elle est écrite en vers, je n’ai pas fait de traduction car j’aurais souvent perdu les rimes.
C’est un anglais très simple, c’est un anglais de française qui parle anglais ! Je pense que c’est assez accessible pour tous les gens qui se débrouillent en anglais.

Tuolla

Et c’est toi qui a également réalisé l’illustration de la nouvelle ?

Oui, il s’agit d’une illustration qui représente tous les personnages de la nouvelle.

Tu as de nombreuses facettes dans ce projet : chanteuse, compositrice, réalisatrice. Quel rôle t’as semblé le plus difficile à tenir ? Et quel rôle as-tu préféré ?

Étonnamment, si je veux être honnête, je dirais que le rôle le plus dur c’était celui de chanteuse. Ce que j’ai composé était très difficile à chanter, notamment les notes tenues comme dans “Stars”, je trouve ça super dur à faire, plus dur qu’une chanson avec des paroles en fait. J’ai bien galéré sur les enregistrements et je me suis bien maudite. Pour les chansons à texte, ça allait beaucoup mieux à enregistrer. 

Et après, ce que j’ai préféré, c’était d’être réalisatrice. Parce que du coup je m’éclatais, vu que je ne travaillais pas pour un client mais pour moi, j’ai pu faire tout ce que je voulais. Toutes mes idées je les réalisais sans penser “est-ce que le client va être content ?” . Je me suis beaucoup amusée, d’ailleurs sur le dernier clip qui va sortir plutôt en 2023 on a eu dix jours de tournage et je me suis bien fait plaisir avec une histoire très complexe. Il s’agit d’un morceau qui dure dix minutes, donc il fallait remplir les dix minutes. C’est un court métrage puisqu’il y a vraiment une grosse histoire et plein de lieux différents, plein de séquences différentes. On n’a tourné que dans des endroits magnifiques, c’était une vraie aventure. On est allé dans plein d’endroits, on a fait plein de choses folles comme euh … moi je me suis jetée dans l’eau un 31 janvier, j’ai tourné en petite robe dans la neige, on a souffert mais on s’est bien amusé !

Quels obstacles as-tu rencontrés pour la réalisation de ce projet ?

Un de mes plus gros obstacles a été moi-même. Je suis souvent très occupée et c’est compliqué de trouver du temps. Une fois que les morceaux étaient finalisés, je les enregistrais et je les envoyais à l’ingé son au fur et à mesure. Ça a duré pendant deux ans. Le problème c’est que j’avais fait des progrès en chant entre temps, et sur certains morceaux je ne pouvais plus écouter ce que j’avais enregistré deux ans auparavant. Du coup, pauvre ingé son, je lui ai dit “en fait je vais refaire mes prises de chant”. Il m’a tellement maudite ! Du coup je me suis rendue compte que j’étais quelqu’un de très difficile et de trop tatillonne. Et ça, ça a été dur pour tout le monde en fait : pour l’ingé son, pour moi, pour les gens avec qui on a fait les clips. Il faudrait que j’arrive à lâcher un peu de lest. Pour “Stars” on en est venu à refaire des plans sur toute la partie histoire qu’on avait tourné, je trouvais que ça n’allait pas. Du coup on a tout tourné une seconde fois alors que j’avais tellement souffert ! Ça ne se voit peut-être pas mais quand je me laisse tomber à un moment, le sol c’est du béton avec des cailloux qui ressortent. Du coup j’avais des gros bleus partout.
Je m’étais jamais rendu compte de ce perfectionnisme avant. Je ne sais pas si c’est parce que dans Remember the Light on est six et que du coup, il y a aussi les avis des autres qui peuvent permettre d’avoir un regard plus objectif. Parce que forcément tu prends en compte les avis des autres. Mais là comme j’étais toute seule à donner mon avis en fait j’étais super chiante. Donc au final ça a été moi mon plus gros obstacle.

C’est un projet solo mais tu t’es entourée d’une petite équipe. Peux-tu nous parler de tes collaborateurs ?

En premier il y a Olivier Reucher, qui est aussi le pianiste, compositeur, arrangeur de Remember The Light. Et du coup forcément je suis fan de son travail dans Remember The Light donc j’avais très envie qu’il fasse mes orchestrations. Les orchestrations, c’est son métier. Donc forcément, ça fait tout de suite très grandiose, très pro pour les morceaux où il y des orchestrations.
Il y a aussi Sébastien Latour, qui s’est occupé du mix et mastering de l’album. Et il m’a aussi été d’une grande aide parce que techniquement en son je ne suis pas très très douée. Il m’a beaucoup conseillée sur comment faire mes prises, comment upgrader mon studio chez moi, etc. Il m’a aussi aidé parce qu’à chaque fois je trouvais que tout était mauvais, alors il me donnait son avis d’ingé son et comme il est aussi compositeur, il a déjà eu à faire à des chanteuses auparavant, et il savait me dire quand est-ce que c’était dans ma tête ou pas.
Sur la partie des clips, j’ai rencontré une collaboratrice dont je suis très contente, Anastasia Lihnka. Elle n’a pas tourné le clip “Stars” parce que c’était le tout premier que j’ai tourné mais elle a filmé les deux autres. C’était vraiment super parce qu’elle est d’une grande écoute, et moi avec mes demandes chiantes et incongrues, ce n’est pas toujours évident … Et puis elle était hyper impliquée à tel point que pour le tout dernier clip qui sortira, celui qui dure dix minutes, elle m’a aidée à écrire l’histoire. Je n’étais pas seule pour écrire l’histoire et c’était cool parce que comme je lui avais dit “c’est une chanson de dix minutes, il ne faut vraiment pas que ça soit chiant”. C’était vraiment chouette qu’elle puisse m’aider aussi là-dessus, et comme ça avec nos idées réunies ça a donné un truc qui, je pense, est assez torturé et qui remplit bien les dix minutes.
Ensuite il y a Stayn, le guitariste de Remember The Light et Nils Courbaron le guitariste de Sirenia qui ont participé sur le titre “The Castle”, le deuxième clip sorti récemment.

Où as-tu puisé ton inspiration pour cet album, et pour le clip de “Stars” ?

Pour l’album, mes inspirations ce sont plutôt des groupes un peu underground que j’écoutais quand j’étais plus jeune comme Narsilion. C’est un groupe espagnol qui fait de la musique “féérique”, si on peut dire ça comme ça. Et ça j’ai beaucoup écouté quand j’étais jeune et j’avais envie moi aussi de faire de la musique “féérique”. J’ai eu aussi comme inspiration Dead can Dance pour les morceaux un peu plus sombres qu’il y a dans l’album. Et puis comme je le disais tout à l’heure, tout ce qui est musique de film, notamment Hans Zimmer par exemple.
Pour les idées pour le clip, je ne peux pas dire que j’ai été inspiré par quelque chose, c’est quand je réfléchissais à quoi faire en clip, pendant des semaines et des semaines, j’essayais de trouver des idées, de réfléchir. Et donc c’est une histoire qui s’est montée sur plusieurs semaines. J’ai eu du mal à trouver l’histoire vu qu’il n’y a pas de paroles, et d’habitude on se réfère beaucoup aux paroles. Heureusement j’avais quand même le passage de la nouvelle dont le thème est “la renaissance et les secondes chances”, du coup j’avais quand même ce thème en tête. Il fallait que je trouve de quoi modeler une histoire sans paroles et ça m’a pris beaucoup de temps d’arriver au bout et d’écrire vraiment tous les passages.

Concernant le monde imaginaire Tuolla et tout ce qui l’entoure, c’est quelque chose que tu as purement inventé ou tu as repris un concept existant ?

Tout ça vient de ma tête uniquement.

Avant de terminer, tu peux nous en dire plus sur la suite ? Quels sont tes projets avec cet album ? Est-ce que ce projet solo est amené à être adapté pour du live ou est-ce plutôt destiné à rester un projet studio ?

Il y a deux autres clips qui sont déjà tournés en plus de “Stars”. Le deuxième est sorti en même temps que l’album, le 26 octobre, et s’intitule “The Castle”. Il y a des paroles sur celle-ci, c’est comme une “vraie” chanson ! Enfin, ce sont des paroles dans la langue imaginaire, donc pas sûre que les gens comprennent.
Pour la question du live, à la base je m’étais dit que ça ne serait qu’un projet album mais quelqu’un qui organise un festival serait intéressé pour me faire jouer, j’ai dit qu’il fallait que je réfléchisse. Parce que c’est quand même assez compliqué comme musique en live vu que beaucoup de choses se passent dans les orchestres, les samples, etc. Et puis je ne sais pas si j’ai la trempe pour faire un live où je serais toute seule, sans un groupe avec moi. Les gens ne vont regarder que moi, je risque d’être très gênée …


Photo de couverture de l’article : « The Queen » par Anastasia Lihnka & Cécile Delpoïo

 

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